La Société pour les troubles de l’humeur du Canada
Une approche concertée pour aborder le suicide
Présentation à la réunion du Comité des Anciens combattants de la Chambre des communes pour son étude sur la santé mentale et la prévention du suicide parmi les anciens combattants

Prononcée par Phil Upshall et Dave Gallson
Le 15 février 2017

Merci Monsieur le Président et chers membres du Comité de nous avoir donné l’occasion de parler aujourd’hui de cette importante étude sur la santé mentale et la prévention du suicide parmi les anciens combattants. Je suis le directeur général national de la Société pour les troubles de l’humeur du Canada (STHC) et à mes côtés se trouve mon directeur adjoint. Cette étude porte sur un sujet auquel notre organisation et nous deux sommes très attachés.

Comme nous le savons, l’état de stress post-traumatique (ÉSPT) joue un rôle prédominant dans le suicide au Canada. Un sondage de 2013 mené chez plus de 6 000 membres des Forces armées a révélé que le taux d’ÉSPT avait presque doublé au cours de la dernière décennie. L’ÉSPT est également courant parmi nos premiers intervenants et ceux qui ont été témoins d’incidents traumatiques, comme des accidents de voiture et des blessures sportives occasionnant des commotions, ou ceux qui ont été victimes d’agression sexuelle.

Depuis 2001, la STHC s’efforce d’aider les personnes atteintes de maladie mentale à améliorer leur qualité de vie. Nous travaillons avec des organisations poursuivant les mêmes objectifs dans les secteurs publics, privés et bénévoles, d’autres qui assurent la prestation de soins primaires de première ligne, des éducateurs et les personnes touchées par la maladie mentale, leurs familles et leurs aidants.

La STHC a accès aux meilleurs experts dans tous les domaines partout au Canada et à l’étranger. Nous sommes renommés pour notre approche collaborative et notre capacité manifeste de travailler avec des organismes d’intervenants, des groupes de patients, des fournisseurs de soins de santé, des ministres fédéraux et le public en général.

En 2011, la Société pour les troubles de l’humeur du Canada a organisé une table ronde sur l’ÉSPT au Musée canadien de la guerre, à Ottawa, qui s’intitulait « Loin des yeux, non loin du cœur ». Cet événement a réuni plus de 75 leaders pour discuter d’une maladie grave, souvent mal comprise, l’ÉSPT. Les discussions de la table ronde portaient notamment sur la capacité du système, la déstigmatisation de l’ÉSPT, les soutiens familiaux et l’amélioration de la recherche sur l’ÉSPT, et se sont déroulées sur plusieurs semaines de suivi assurées par des entrevues avec les participants, et un rapport a été créé pour le gouvernement.

Le rapport recommandait en outre d’aborder la stigmatisation, d’améliorer les connaissances des médecins et des fournisseurs de soins de santé sur l’identification et le traitement de l’ÉSPT, d’éduquer les personnes touchées par l’ÉSPT et leurs familles à propos des réseaux et des ressources à leur disposition, de promouvoir la collaboration continue et un dialogue entre le gouvernement et les dirigeants dans le domaine de la maladie mentale axé sur l’ÉSPT, et d’améliorer les efforts de recherche pour mieux comprendre les éléments déclencheurs et les traitements optimaux de l’ÉSPT.

Nous savons que ce comité a entendu de nombreux témoins parler de la façon dont l’ÉSPT et le suicide les ont touchés directement, eux, leurs familles et leurs amis. La STHC, et notre réseau de programmes éducatifs et de soutien par les pairs, travaille avec des personnes qui, tous les jours, luttent contre une maladie mentale. Nos priorités comprennent l’élaboration de programmes et de systèmes de soutien qui abordent l’ÉSPT et la dépression en vue de réduire les cas de suicide.

Pour aborder l’ÉSPT et prévenir le suicide, la STHC souhaiterait formuler trois recommandations à l’intention du comité :

  1. Il est primordial de diagnostiquer tôt la maladie mentale. La STHC félicite le gouvernement fédéral pour son engagement de 5 milliards de dollars à financer la santé mentale dans le cadre de négociations sur un accord en soins de santé. Un diagnostic et une intervention précoces sont primordiaux et importants, et nous recommandons qu’un progrès dans ce domaine soit priorisé et évalué selon des mesures de performance et un rapport de résultats.
  2. Une éducation accrue en santé mentale auprès des fournisseurs de soins de santé est indispensable. La méthode la plus efficace pour fournir ces connaissances est d’assurer la prestation de programmes coordonnés éducatifs et le transfert des connaissances.
  3. La STCH croit fermement que les programmes de soutien par les pairs constituent l’un des éléments les plus importants du rétablissement et du maintien du mieux-être. Ces programmes forment également une ressource impérative pour la communauté de fournisseurs de soins de santé. Il n’existe pas suffisamment de programmes de soutien par les pairs parmi les communautés canadiennes, ce qui occasionne des lacunes à l’échelle nationale. Le gouvernement doit mieux financer le soutien par les pairs.

Diagnostic précoce

La maladie mentale se manifeste avant l’âge de 18 ans chez 70 % des adultes touchés. Nous savons qu’une intervention précoce peut réduire la gravité de la maladie. En ce qui a trait aux maladies chroniques, la recherche révèle que bon nombre de jeunes en ressentent des symptômes dès l’âge de 12 à 17 ans. Par conséquent, l’administration d’un traitement ciblé de la maladie mentale à cet âge pourrait donner des résultats significatifs.

Les problèmes de santé mentale chez les enfants et les jeunes peuvent, s’ils ne sont pas diagnostiqués et traités de manière appropriée, mener à des troubles de santé mentale plus graves à l’âge adulte, qui sont à la fois plus difficiles et plus coûteux à traiter efficacement. Dans les cas où des problèmes de santé mentale non traités sont ultérieurement aggravés par un ÉSPT, la voie du rétablissement devient plus longue et difficile. Le fait d’investir tôt dans des services de santé mentale contribuerait à une gestion plus rapide des symptômes et du rétablissement, et réduirait considérablement les coûts associés à la maladie mentale chronique.

Éducation parmi les professionnels des soins primaires

La STHC croit que d’investir dans des programmes éducatifs à l’intention des fournisseurs de soins de santé au Canada afin d’améliorer leur capacité à mieux traiter l’ÉSPT et d’autres maladies mentales peut grandement améliorer la qualité de vie des personnes touchées par l’ÉSPT, et prévenir le suicide. Élargir la portée des programmes éducatifs aidera à former des fournisseurs de soins de santé primaires dans les communautés urbaines, rurales et éloignées partout au pays. Dans presque tous les cas d’ÉSPT, la dépression est également présente. Les Canadiens et les Canadiennes comprennent maintenant qu’à elle seule, la dépression est une épidémie au pays. Elle s’immisce dans tous les aspects de la vie canadienne, en milieu de travail et mène au suicide de plus de 4 000 Canadiens et Canadiennes chaque année.

Étant donné les conséquences sociétales, personnelles et économiques de l’ÉSPT, la STHC croit que l’investissement dans un vaste programme axé sur les fournisseurs de soins de santé primaires au Canada en vue d’améliorer leur capacité de poser un diagnostic précoce et d’offrir des traitements de l’ÉSPT à leurs patients constitue une utilisation prudente des fonds publics qui permettra à la société et au système de soins de santé de réaliser d’importantes économies à l’avenir et qui améliorera grandement la qualité de vie des personnes souffrant d’ÉSPT, de leurs familles et de leurs aidants.

Programmes de soutien par les pairs

Nous savons que le fait de travailler directement avec les anciens combattants souffrant de maladie mentale et de leur assurer un soutien est la clé pour réduire les cas de suicide. J’aimerais remercier le gouvernement fédéral pour son soutien au programme Transition vers la communauté, un partenariat entre la STHC, Emploi et Développement social Canada et Anciens Combattants Canada.

Grâce à ce programme de développement des compétences, notre objectif est d’aider, au cours des trois prochaines années, près de 450 anciens combattants vivant des obstacles au sein de leur communauté. Le programme a pour but de fournir un soutien direct pour aborder les difficultés d’ordre émotionnel et d’adaptation vécues par les anciens combattants, avec un accent sur les compétences favorisant l’employabilité, le bien-être mental et le soutien par les pairs.

Nous venons tout juste d’ouvrir trois emplacements à Montréal, à Calgary et à Toronto. Même si nous en sommes qu’au début, nous avons hâte de travailler de près avec des organismes pour anciens combattants, des groupes communautaires et des employeurs.

J’aimerais également vous parler de l’importance des programmes de soutien par les pairs qui, selon les anciens combattants, sont la clé du rétablissement.

Par exemple, les programmes de formation nationale pour les pairs et de soutien en cas de traumatisme, et le Project Trauma Support sont des démarches novatrices pour aborder le bien-être mental reposant sur une approche axée sur le point de vue du patient.

Leurs objectifs sont de fournir du soutien, de l’éducation et des programmes pour le personnel militaire et les premiers intervenants qui ont été touchés par un ÉSPT et d’autres problèmes de santé mentale afin d’appuyer leur guérison et leur rétablissement.

Le Project Trauma Support, situé à Perth, en Ontario, est un programme concentré d’une semaine offert à des cohortes de 12 militaires et premiers intervenants dont la vie a été ravagée par l’ÉSPT. Le Project Trauma Support inclut de la thérapie équine, des parcours de ponts de corde aventureux et un soutien par les pairs pour éduquer les participants sur leur environnement émotionnel, tout en établissant des liens de confiance et en favorisant un comportement de recherche d’aide. Le programme permet aux participants d’assimiler leurs expériences et leurs émotions authentiques et d’améliorer la vie de leurs familles et de leurs pairs au courant du processus. Voici deux courts témoignages en guise d’exemple de ce à quoi mène cette transformation :

Agent de la GRC

« J’en suis sorti avec le sentiment que quelque chose de fondamental avait changé en moi et dans la façon dont j’abordais mon état de stress post-traumatique. Non seulement ai-je noté une différence dans la façon dont je vis maintenant ma vie, les autres autour de moi l’ont noté également. J’aurais vraiment aimé pouvoir le faire il y a 14 ans. »         

Épouse d’un militaire

« Je crois que l’ampleur et les répercussions de cette dernière semaine peuvent être résumées par notre fille de neuf ans, qui est venue me dire : C’est bizarre, mais on dirait que les yeux de papa sont vivants. »

Même si l’aide professionnelle est essentielle, elle n’est pas toujours disponible à 20 heures ou à minuit, lorsque l’ancien combattant a besoin de parler à quelqu’un de son stress ou de ses idées suicidaires. Grâce aux programmes de soutien par les pairs, les gens ont un réseau composé de pairs qui comprennent ce qu’ils vivent, car ils ont vécu la même chose et peuvent établir des liens à un même niveau. Le financement d’un plus grand nombre de programmes comme ceux-là et de la recherche efficace contribuerait grandement à répondre aux besoins des anciens combattants en matière de santé mentale.

Conclusion

Nos anciens combattants ont mis leur vie en jeu pour notre pays. Fournir des soins à ces hommes et à ces femmes doit être une priorité pour tous les Canadiens et Canadiennes. Le travail d’équipe au cours d’une formation est un principe qui leur est bien connu et c’est ainsi qu’ils ont été conditionnés. La guérison et le rétablissement doivent reposer sur cette même approche axée sur l’équipe.

Nous vous remercions de nous avoir permis de vous transmettre nos réflexions.